laffaire de tous. Contraire à la loi et au principe d’égalité qui régissent notre société, nuisible à la cohésion sociale, destructrice pour ceux qui la subissent, la discrimination doit être activement combattue par l’ensemble du corps social, en particulier par
La cohésion sociale, un quasi-concept »1La notion de cohésion sociale est un quasi-concept, c’est-à -dire une construction mentale hybride que le jeu politique nous propose souvent, à la fois pour détecter des consensus possibles sur une lecture de la réalité et pour les forger. Ces constructions sont fondées, en partie, sur une analyse des situations, ce qui leur permet d’être relativement réalistes et de bénéficier de l’aura légitimatrice de la méthode scientifique ; mais elles conservent une indétermination qui les rend assez flexibles pour suivre les méandres de l’action politique. Cette indétermination explique qu’il soit si difficile de définir la cohésion sociale. 2Robert Castel en retrace la genèse dans les années 1830, lorsque le divorce est apparu quasi total entre un ordre juridico-politique fondé sur la reconnaissance des droits des citoyens et un ordre économique qui entraîne une misère et une démoralisation de masse. […] Ce hiatus entre l’organisation politique et le système économique permet de marquer, pour la première fois, la place du “social” se déployer dans cet entre-deux, restaurer et établir des liens qui n’obéissent ni à une logique strictement économique ni à une juridiction strictement politique » 1995, p. 18-19. 3Après les appels à la solidarité d’Émile Durkheim au tournant du siècle dernier, après la forte institutionnalisation de la lutte de classes qui se déploie dans une variété d’États-providence, surtout durant la seconde moitié du XXe siècle, on assiste, selon R. Castel, à la réapparition de catégories d’ inutiles au monde », de surnuméraires », de superfétatoires ». Leurs rangs se gonflent d’ailleurs fortement avec les perturbations des parcours de vie entraînées par la crise actuelle. Poser la question de la cohésion sociale, c’est donc également, nécessairement, poser celle de l’égalité dialectique entre liberté, égalité et solidarité4Alors que R. Castel insiste sur les oppositions droits/misère et État/économie, nous avons plutôt recours, dans nos analyses de la cohésion sociale, aux trois éléments de la devise de la Révolution française liberté, égalité et solidarité [1] Bernard, 1999. Dans le domaine socio-économique, la liberté se déploie principalement dans le marché, lieu de production principal des biens et des services, mais également mécanisme de production incessante d’inégalités. Pour réduire ces dernières et assurer qu’elles ne compromettent pas la cohésion sociale, l’État représente l’instrument privilégié, voire indispensable. Lui seul peut redistribuer les ressources grâce à la fiscalité et aux transferts, mais aussi grâce à sa capacité de régulation du marché. 5Cette action publique trouve toutefois ses limites quand elle ne fonctionne que sur le mode de la gestion bureaucratique des droits. Les États se tournent alors, comme relais de leur action, vers les communautés et les familles, qui viennent soutenir la solidarité parce qu’elles sont à la fois intéressées et compétentes dans l’action de terrain White, 2005. Les organisations communautaires sont également l’un des rares leviers à la disposition des populations démunies pour infléchir l’action distribution des ressources, si cruciale, comme le dit R. Castel, pour la cohésion sociale, est donc l’aboutissement du jeu de trois mécanismes?à la fois synergiques et contradictoires celui des prix dans le marché, celui des droits dans la sphère publique et celui de la réciprocité informelle et de l’action communautaire dans la sphère de proximité Bernard et al., 2007. Les principes de liberté, d’égalité et de solidarité sont ainsi en relation dialectique, et chaque société, à chaque époque, doit trouver sa propre façon de les articuler et de les mettre en différentes voies de la protection et de la cohésion sociale6Gøsta Esping-Andersen 1990 a proposé de regrouper les sociétés capitalistes avancées en trois régimes providentiels, chacun visant, à sa manière, à concilier développement économique et cohésion sociale. Le régime social-démocrate, dans les pays nordiques, met l’accent sur l’égalité, ce qui confère un rôle important à l’État et aux programmes sociaux universels pour forger l’identité sociale. Le régime libéral, dans les pays anglo-saxons, insiste davantage sur la liberté et fait des marchés l’institution clé. Le modèle de la débrouillardise self help est prédominant et ne s’accompagne que d’une aide ciblée et conditionnelle, accompagnée d’un appel aux solidarités privées pour assurer la cohésion sociale. 7Le régime conservateur, dans la plupart des pays d’Europe continentale, traduit le principe de solidarité en schèmes assuranciels fondés sur l’activité professionnelle et étendus à la famille. Cette dernière joue le rôle clé, particulièrement dans les pays social libéral, minimal, est-il devenu un lieu de convergence obligé ? Certains pensent qu’il y a effectivement une course vers l’abîme », que les États sociaux plus généreux, minés par l’accumulation des problèmes sociaux et par la fuite des capitaux devant l’effort fiscal, n’auront d’autre choix que de renoncer aux programmes publics par lesquels ils tentent de créer une cohésion sociale fondée sur une réduction des écarts engendrés par le marché. En fait, les études comparatives n’indiquent pas une telle convergence. 9Mais il est vrai que les régimes providentiels sont confrontés à un trilemme » selon Torben Iversen et Anne Wren 1998, ils ne peuvent atteindre à la fois l’emploi pour tous, la limitation des inégalités sociales et l’équilibre des finances publiques. Ainsi, le marché du travail du régime conservateur exclut de nombreuses catégories de travailleurs ; les dépenses sociales, surtout passives, y sont coûteuses. Le régime libéral présente, quant à lui, les inégalités les plus marquées. Mais les pays nordiques ont, jusqu’ici, largement échappé à ce trilemme » et maintenu une forte productivité en transformant leurs dépenses sociales en investissements sociaux. Ils visent à ce que les débours s’autofinancent à terme, sous forme de productivité accrue. Peter H. Lindert 2004 a montré que, de fait, le coût net des programmes sociaux est nul là où ils sont bien gérés, en particulier lorsqu’ils visent l’ activation » avoir le maximum d’individus qui travaillent et qui disposent pour cela, au fil de leur vie, de moyens de préserver leur santé, d’améliorer leurs qualifications, de concilier leurs responsabilités professionnelles et familiales Bernard et Boucher, 2007. 10Ces modèles de flexicurité » intéressent bien des pays, qui se tournent vers les dépenses actives en remplacement des prestations sociales habituelles. Les travaux de Julie Castonguay 2009, dans cinq pays, ont montré que ceux qui investissent dans la formation professionnelle et dans un suivi personnalisé de la recherche d’emploi obtiennent de meilleurs résultats que ceux qui misent principalement sur les dit, il est vrai que la notion d’investissement social est susceptible de bien des interprétations. Certains États visent le long terme et facilitent la conciliation entre les divers aspects du parcours de vie des individus. D’autres peuvent, au contraire, évoquer ce quasi-concept pour réduire les dépenses sociales aux minima immédiatement rentables du workfare Jenson et Saint-Martin, 2006.Cohésion sociale et développement humain11Les régimes providentiels et l’investissement social sont l’incarnation de valeurs autour desquelles les sociétés développées construisent, chacune à leur façon, leur identité et leur façon de résoudre les tensions dont parlait R. Castel entre économie et social. 12Les recherches montrent qu’en fait, on peut utiliser le développement social pour favoriser le développement économique. C’est là tout le sens de la notion de développement humain, issue de la pensée d’Amartya Sen, proposée par le Programme des Nations unies sur le développement Pnud et qui inspire de nombreux organismes internationaux Le développement humain […] repose sur la création d’un environnement au sein duquel les gens peuvent développer pleinement leur potentiel et mener des vies productives et créatives en accord avec leurs besoins et leurs intérêts. Les individus sont la vraie richesse des nations. […] Les capacités les plus fondamentales pour le développement humain consistent à mener des vies caractérisées par la longévité et la santé, l’accès au savoir, l’accès aux ressources nécessaires pour atteindre un niveau de vie décent et à être en mesure de prendre part à la vie de la communauté. Sans cela, […] de nombreuses opportunités dans la vie restent inaccessibles » Pnud, 2008, p. 1. Cet individualisme social » esquisse l’horizon actuel de la cohésion sociale. Note [1] Nous remplaçons le terme fraternité, qui peut connoter des relations entre personnes de sexe masculin seulement, par celui de solidarité. BibliographieBernard P., 1999, La cohésion sociale critique dialectique d’un quasi-concept », Lien social et politique – Riac, n° 41, printemps, p. ligneBernard P. et Boucher G., 2007, Institutional Competitiveness, Social Investment, and Welfare Regimes », Regulation and Governance, n° 13, p. ligneBernard P., Charafeddine R., Potvin L., Frohlich K. L., Daniel M. et Kestens Y., 2007, Health Inequalities and Place A Theoretical Conception of Neighbourhood », Social Science and Medicine, n° 659, p. R., 1995, Les métamorphoses de la question sociale une chronique du salariat, Paris, J., 2009, Benchmarking Carrots and Sticks Developing a Model for the Evaluation of Work-Based Employment Programs, Amsterdam University G., 1990, The Three Worlds of Welfare Capitalism, Princeton, Princeton University ligneIversen T. et Wren A., 1998, Equality, Employment and Budgetary Restraint? The Trilemma of the Service Economy », World Politics, n° 50, July, p. 507-546En ligneJenson J. et Saint-Martin D., 2006, Building Blocks for a New Social Architecture? The Lego™ Paradigm of an Active Society », Policy and Politics, n° 343, p. P. H., 2004, Growing Public Social Spending and Economic Growth Since the Eighteenth Century, Cambridge et New York, Cambridge University des Nations unies pour le développement Pnud, 2008, Le concept du développement humain », rapport sur le développement humain ; /devhumain/White D., 2005, State-Third Sector Partnership Frameworks From Administration to Participation », in Henman?P. et Fenger M. dir., Administering Welfare Reform International Transformations in Welfare Governance, Bristol, Policy Press.
Commentles inégalités sociales entament-elles la cohésion sociale en RDC . 899 Views. admin. 0 Shares. Share on Facebook; Share on Twitter403 ERROR The Amazon CloudFront distribution is configured to block access from your country. We can't connect to the server for this app or website at this time. There might be too much traffic or a configuration error. Try again later, or contact the app or website owner. If you provide content to customers through CloudFront, you can find steps to troubleshoot and help prevent this error by reviewing the CloudFront documentation. Generated by cloudfront CloudFront Request ID d4QtpiCYgvGyht_jgG0LntsVUr63c95jbZEJZFlC-0g0djnNEpyglw==
28 juillet 2012 6 28 /07 /juillet /2012 2047 Pour Claude GuĂ©ant, le texte que prĂ©pare Manuel Valls sur les critères de la rĂ©gularisation des Ă©trangers en situation clandestine aura pour consĂ©quence de crĂ©er des droits pour des personnes qui ont violĂ© la loi». INTERVIEW - Pour l'ancien ministre de l'IntĂ©rieur Claude GuĂ©ant, la ligne politique du gouvernement se rĂ©sume Ă annuler ce qui a Ă©tĂ© fait sous Sarkozy. LE FIGARO. - Comment rĂ©agissez-vous aux dĂ©clarations de votre successeur au ministère de l'IntĂ©rieur, Manuel Valls? Claude GUÉANT. - La ligne de la politique mise en Ĺ“uvre par le gouvernement Ayrault semble se rĂ©sumer Ă annuler ce qui a Ă©tĂ© fait sous la prĂ©sidence de Nicolas Sarkozy, fĂ»t-ce au dĂ©triment des intĂ©rĂŞts fondamentaux de notre pays. Nous avons pu le constater, ces deux dernières semaines, en matière Ă©conomique les mesures adoptĂ©es dans le collectif budgĂ©taire n'ont pour rĂ©sultat que de diminuer les revenus des Français et de rĂ©Âduire la compĂ©titivitĂ© des entreprises, alors qu'au contraire il conviendrait de stimuler et la consommation et la productivitĂ© française. En ce qui concerne l'immigration, et singulièrement le volet naturalisation, les mesures que prĂ©conise Manuel Valls sont de naÂture Ă porter gravement atteinte Ă la cohĂ©sion sociale, alors mĂŞme que le gouvernement socialiste lui-mĂŞme ne cesse de proclamer sa volontĂ© de rassembler le pays. Dans quel Ă©tat d'esprit aviez-vous Ă©tabli en 2011 de nouveaux critères d'accès Ă la naturalisation pour les Ă©trangers? Notre politique avait un objet et un seul faire en sorte que les naturalisations soient des succès et que les nouveaux Français soient reconnus sans aucune rĂ©serve comme des Français Ă part entière qu'ils sont. Devenir français, ce n'est pas le dĂ©but d'un parcours, c'est l'aboutissement d'une intĂ©gration, comme d'ailleurs Manuel Valls le reconnaĂ®t. Nous avions Ă©tabli trois nouvelles conditions la première, en vigueur depuis le 1er janvier 2012, faire preuve d'un minimum de connaissance de la langue française. C'est le niveau correspondant Ă la fin de la scolaritĂ© obligatoire la troisième. C'est le critère retenu par l'ensemble des pays europĂ©ens et d'autres comme le Canada. La deuxième mesure, applicable depuis le 1er juillet, consistait Ă demander une connaissance minimale de notre histoire, de nos institutions, de notre culture, sous forme d'un QCM questionnaire Ă choix multiple. LĂ encore, cela me semble absolument normal et de bon sens qu'un Français connaisse les grands principes de la sociĂ©tĂ© dans laquelle il vit. Ce QCM a Ă©tĂ© testĂ© pendant plusieurs mois et il ne correspond en rien Ă la description qu'en fait Manuel Valls. Enfin, il y a une troiÂsième mesure, qui consistait Ă faire signer par les nouveaux Français une charte des droits et des devoirs» des citoyens, lors d'un entretien d'assimilation. La remise en cause de ces mesures est-elle le signal d'un assouplissement de la politique d'immigration? Je serais très choquĂ© que le gouvernement veuille revenir sur ces trois meÂsures qui n'ont pour objet que de garantir la cohĂ©sion de notre pays. Je crois malheureusement que c'est un signal parmi beaucoup d'autres. Au SĂ©nat, Manuel Valls a confirmĂ© qu'il allait revoir les critères de la rĂ©gularisation des Ă©trangers en situation clandestine. Le texte que prĂ©pare le ministre aura Ă l'Ă©vidence pour consĂ©quence de crĂ©er des droits pour des personnes qui ont violĂ© la loi. Ce qui pose problème. Il indique qu'un des critères pourrait ĂŞtre celui de la scolarisation des enfants. Or tous les enfants Ă©trangers, quelle que soit la rĂ©gularitĂ© du sĂ©jour de leurs parents, sont accueillis dans nos Ă©coles. Cela signifie qu'il suffirait d'avoir des enfants pour avoir un droit dĂ©finitif au sĂ©jour. Manuel Valls dit aussi que le fait de travailler clandestinement pourrait donner droit au sĂ©jour. Autant dire que plus on est irrĂ©gulier, plus on enfreint la loi, plus on aurait droit au sĂ©jour. Je laisse les Français juger! J'ajoute que la crĂ©ation du forfait de 30 euros pour l'accès Ă l'aide mĂ©dicale d'État AME avait pour objectif de mettre fin Ă une anomalie le plus pauvre des Français doit cotiser un minimum alors qu'un Ă©tranger clandestin pouvait ĂŞtre soignĂ© gratuitement. Le gouvernement remet en vigueur cette injustice. Quelle idĂ©ologie sous-tend ce changement de cap? Le trait commun de toutes ces mesures, on le trouve dans les publications de l'association Terra Nova, qui sert de laboratoire d'idĂ©es au PS. Ces publications disent que la classe ouvrière est devenue ringarde et conservatrice et qu'elle doit ĂŞtre, en tant que clientèle Ă©lectorale, abandonnĂ©e par la gauche. Avec un total cynisme, ces publications affirment que puisque les personnes issues de l'immigration votent Ă 75% pour la gauche, la nouvelle clientèle Ă©lectorale Ă cultiver pour le PS doit dĂ©sormais ĂŞtre celle des personnes issues de l'immigration. Par consĂ©quent, il faut augmenter l'immigration! La droite n'est pas contre l'immigration, mais elle veut maĂ®triser les flux migratoires afin que ceux qui sont lĂ©galement accueillis dans notre pays s'y sentent Ă l'aise et y rĂ©ussissent. En revanche, favoriser une immigration incontrĂ´lĂ©e pour des motifs politiciens prĂ©sente de grands dangers pour la cohĂ©sion sociale et pour la prĂ©servation des valeurs de la RĂ©puÂblique. Published by Franck GUIOT
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